L’accueil de voyageurs venant du monde entier est dans l’ADN des auberges de jeunesse. L’association des Auberges de Jeunesse de Charente-Maritime (AJ17) favorise les échanges avec des délégations européennes, dans le cadre de l’accréditation Erasmus +, et souhaite profiter de diverses opportunités pour renforcer ses relations au-delà des frontières de l’Europe. Ce contexte et le lancement d’une réflexion interne sur les auberges de demain ont été à l’origine de la mise sur pied d’un projet d’échanges d’une semaine entre représentants d’AJ17 et représentants des auberges du Saint-Laurent, au Québec. Ce projet, dont la première étape s’est concrétisée fin octobre 2022, a reçu l’appui de la Région Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre du Fonds de Coopération Interrégionale. Deux des participantes ont également obtenu un soutien financier de l’Office Franco Québécois de la Jeunesse (OFQJ).
Jours 1 et 2 : Montréal
La délégation d’AJ17, composée de salariés et de membres du conseil d’administration, est accueillie à l’auberge de Montréal, située au centre-ville dans un quartier en plein renouveau. Les manteaux épais et les « tuques » (bonnets) restent au fond des valises, le réchauffement climatique est à l’œuvre ici aussi. « L’auberge Saintlo Montréal, c’est nous ! » revendique Nicolas, son directeur pour bien signifier le lien étroit entre la structure et son personnel permanent. L’appartenance à l’économie sociale et solidaire est mise en avant dès l’entrée dans le hall d’accueil. Le collectif Saintlo, marque créée en 2022, regroupe 3 auberges propriétés de l’association (Montréal, Toronto et Ottawa) et cinq auberges amies, gérées de manière indépendante.
Reflet d’une culture économique nord-américaine très présente, la tarification dynamique, directement liée à l’offre et la demande, est largement utilisée, ce qui est peu courant quand on parle de tourisme accessible au plus grand nombre. Les recettes supplémentaires générées par cette pratique sont affectées à la fidélisation du personnel et viennent alimenter une fondation destinée à accompagner des projets de tourisme social.
Une auberge moderne, cosmopolite, intégrant des espaces de co-working, qui fait largement appel aux bénévoles (accueil, bar, petit-déjeuner, visites thématiques de la ville) en échange de l’hébergement. Surprise, les voyageurs sont mis à contribution pour le lavage et le rangement de la vaisselle du petit-déjeuner dans la cuisine commune. Et tout se passe bien ! Première bière rue Sainte-Catherine et première « poutine » (frites avec fromage fondu) dans le vieux Montréal, très animé.
Jour 3 : Québec
Un grand bâtiment classique, situé dans le vieux Québec à proximité de l’hôtel de ville, a été converti en auberge et constitue l’un des maillons du collectif des auberges Saintlo. Beaucoup de couloirs, d’escaliers desservent de vastes chambres et des dortoirs, près de 200 lits au total, et plusieurs espaces communs pour la convivialité. La directrice adjointe présente les multiples défis à relever dans la gestion de cette structure et évoque les nouvelles formes de concurrence, type Airbnb ou l’arrivée de structures privées très digitalisées, fonctionnant avec un minimum de personnel. Si cette concurrence est une source de motivation supplémentaire, c’est par une communication orientée sur les valeurs portées par les auberges de jeunesse que se fera la différence. Autre sujet majeur, les difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel, dans un contexte général de pénurie de personnel, avec la nécessité de développer la marque employeur.
Balade nocturne dans les petites rues pavées du vieux Québec, en profitant de la mise en lumière des remparts et du château Frontenac, avec une pensée pour Samuel de Champlain, né à Brouage, considéré comme le fondateur de la capitale de la Nouvelle France.
Jour 4 : La Malbaie
Changement de décor, après les grandes villes, place à la nature. David nous accueille dans l’auberge dont il est le propriétaire et le gestionnaire. Une maison ancienne en brique avec une terrasse surplombant le Saint-Laurent, l’idéal pour contempler les levers et couchers de soleil sur le fleuve, large d’une trentaine de km à cet endroit. Une structure privée qui s’intègre dans la logique de réseau mise en place par les auberges du Saint-Laurent avec la marque Saintlo, activement relayée sur les réseaux sociaux. David est un ardent défenseur de la nature, qui accueille, conseille et accompagne des visiteurs amoureux des grands espaces, dans une région réputée pour l’observation des baleines et des bélugas. Les échanges portent sur les bonnes pratiques en matière de tourisme durable, à la fois sur le volet social, le pilier économique et sur les aspects environnementaux.
Au pub-restaurant de l’auberge, en soirée, dégustation de produits locaux et d’une large gamme de bières de micro-brasseries, très populaires au Québec.
Jour 5 : Rivière-du-Loup
La journée commence tôt, avec des pancakes et du sirop d’érable, pour prendre le « traversier », le bateau qui permet de rallier l’autre rive du Saint-Laurent. Vincent, le directeur de l’auberge de Rivière-du-Loup, a des talents de pédagogue pour parler des traditions, de la faune et de la flore et des spécificités de la vie au bord du fleuve, où les saisons sont très marquées. La présentation de l’auberge se fait au fil d’une randonnée traversant les collines boisées aux couleurs de fin d’automne et s’achevant sur des points de vue assez magiques surplombant le Saint-Laurent. L’occasion d’évoquer les menaces liées au réchauffement climatique ou aux excès de certaines formes de tourisme. L’auberge, une grande maison en bois construite à l’origine pour une famille de notables, a conservé le charme de l’ancien. La vaste cuisine partagée sert de cadre à un repas préparé en commun, permettant de découvrir les fruits de mer, la charcuterie et les fromages locaux, ainsi que les vins en provenance de l’Ontario. Vincent et la petite équipe de salariés et de bénévoles sont heureux de présenter l’implication de l’auberge dans la vie locale. Le partenariat avec le Festival du film de Rivière du Loup a vite trouvé un écho auprès de la délégation française, qui fera le lien avec les responsables du Festival La Rochelle Cinéma (FEMA).
Jour 6 : Retour à Montréal
A l’heure du bilan, chaque membre de la délégation AJ17 apprécie à sa juste valeur la chance d’avoir pu vivre de l’intérieur l’expérience de quatre auberges aux profils et aux modes de gestion différents.
Au-delà des différences d’approche liées à un environnement culturel et réglementaire d’inspiration libérale, ce qui nous rapproche de manière évidente est la forte implication des équipes pour défendre les valeurs d’un tourisme durable, acteur du développement local et accessible au plus grand nombre.
Veronica, la directrice Amériques de l’organisation internationale du tourisme social (ISTO) résume les thèmes qui ont rythmé les échanges de la semaine : inclusion, qualité de vie (des voyageurs et du personnel), environnement, développement local et solidarité.
La complicité nouée entre la délégation française et les représentants du collectif Saintlo après une semaine passée en commun est de bon augure pour envisager l’étape retour, en mars 2023, dans les auberges de Charente-Maritime.
C’est l’heure des au-revoir, avant une dernière promenade sur le Mont-Royal qui permet d’avoir une vue panoramique de la ville, jusqu’au Saint-Laurent.
Article rédigé par Bruno Odin, Vice-Président de l’association AJ17.
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